dans la rue

Fleurs vinaigre

pâte molle de la peau

six rots sinon rien

érable collé de plumes

brindilles vertes / mortes

feux rouges/bleus

des coups de derrière

mon dieu c’est plein d’étoiles

vertes

salez-sucrez

ça n’est pas comme un train mais ça se met aussi à la queue leu-leu,

des tasses chapardées

 

– ici une une échauffourée blanche dans une rue sombre

l’argent n’existe toujours pas

comment ça passe du tube cathodique

au cerveau catholique

du cerveau ratiocinant au tube digestif

jusqu’à l’anus

comment ça remonte le tube

étage après étage

palier par palier

comment ça frétille sous la langue effervescente

ça sort d’un coup

par réflexe uniquement par réflexe

ça répond aux autres à table

ça coupe l’autre en force avec le ton la pause et tout et tout

par réflexe uniquement par réflexe

 

ça compte dans le crâne

l’argent qui n’existe pas

l’argent qui agit

ce spectre spectaculaire

agitant

l’oculaire intérieur

 

…l’argent n’est pas masculin

n’est pas féminin

il est le général

celui qui tient par le crédo

malgré les tempêtes

les tropiques

les trous

les trouvailles alternatives

les courants alternés

les allitérations des tropes

les altérations des troupes

celui qui creuse en faisant pourrir l’extérieur avant l’intérieur

celui qui met à l’épreuve ce qu’il y a autour

pour éviter le tour de face-face

 

.ce qui s’échange dans le commerce des genres

PAS une photo d’identité réglementaire

35 mm de large sur 45 mm de haut. Taille du visage de 32 à 36 mm, du bas du menton au sommet du crâne (hors chevelure). Photo correctement contrastée, sans ombre. Fond uni, de couleur claire (bleu clair, gris clair). Le blanc, interdit. La tête nue, les couvre-chefs interdits. Fixer l’objectif. Expression neutre bouche fermée. Visage dégagé. Yeux ouverts. Les montures épaisses interdites. Verres teintés interdits.

PAS une projection – une éclaboussure jetée sur le devant de l’autre

on dresse un écran sans crier

on envoie le film sans crisser je te soumets ou tu m’as sauvé

SAUVETAGE D’UNE SOUMISE ou SOUMMISSON D’UNE SAUVEE

avec des bouches des bugs

des bourgeons en volutes

des volontés bourgeoises

des baisers voluptueux

des vérités bancales

 

la répétition signe toujours une fois de plus la pétition

par principe elle contient un avenir

par posture elle promet la mort

fixe ou portable

quand on est déjà dé-porté

pourquoi ne pas habiter le camion de déménagement ?

on nous interdit d’élire domicile

dans les eaux internationales

on nous code un code postal

et une administration nationale

avancer sans cligner des cils

pour éprouver ce qui se passe

avec ses périphéries

on en rit mais on tient rarement longtemps

 

…l’équation de Picabia

l’art + les gens = les gens

l’équation de Pique-assiette

leurre + beurre = argent du beurre

l’équation du Directeur

l’argent facile, l’argent pour les nuls

 

Minotaure

Ça commence par un rocher lumineux, un mégalithe doré qui mute en crustacé, par à coups, pulsions. Des moments troublants. Une parthénogénèse en solo, vice et versa. Des glissements de corps sur un sol huileux contre et rebondissant contre les six points du rectangle. Une étrange sensation de corps archaïque rencontrant une fête disco.

Une création de la compagnie ligne de désir.

A la Minoterie à Marseille les 11, 12, 13 janvier 2011

l’argent n’existe pas

ça manque, ça tient plus dans la poche

ça n’existe pas l’argent de poche

// l’eau dans la cage

// la sauce dans la passoire

 

ce qui existe c’est la poche de l’argent, son ourlet

il y a l’argent poché

comme on dit un œuf poché

ça bulle tant qu’on croit qu’on va pouvoir bouffer

ça n’a que de l’air dedans

qui fait du coup de vent sous la dent

juste une membrane qui n’empêche pas qu’on sente

le dent contre dent

ça protège pas de l’hiver ou de la pluie

ni les grelots ni le grêlons

juste un membre-âne

on vit avec des membranes foisonnantes

de pauv’types

sur le dos en espérant une grosse doudoune

// un épais cuir

va te faire cuire un œuf, endure, ordure !

 

Tu tiens. Parce qu’il faut.

Parce que pas le choix tu crois.

Parce que pire ailleurs.

Parce que c’est comme ça – ils se répètent à la longue – bordel

Parce que les proverbes ont la peau dure, les cuirs tanés

la force des clichés imprimés développés dans la chambre obscure du cortex

annone sans honte ni remord

centre bourse

ça a commencé par un trait

sur une table

à l’ongle

un bâton

deux bâtons

trois bâtons

compter – raconter

fictionner – tricoter

conter trois fois : triconter

une fois pour essayer

une fois pour inscrire

une fois pour sédimenter

 

et juste après les chiffres

 

 

…l’argent qui n’existe pas

qui agit

qui ouvrre

ce spectre spectaculaire écarquillant l’oculaire

 

square redskins shopping attitude les bras de la patineuse

pris dans la coulée humaine se déversant, s’écoulant : tu avances

chrom bloc 22 uomo

 

// cette angoisse qui tord la vie, lie les trompes

acturer

 

on nous propose des protocoles rassurants labellisés ©

il n’y a qu’un corps à assurer déjà ®

on nous demande de garder la pose démembrée

le temps de cadrer des propositions collantes

une berté-lité-nité offerte sur le fronton des écoles sans chair qui s’offre sur un plat

restent que les eaux

à déglutir

empifrer ? – empellir à la hache

 

acter l’écriture

l’acturer

dans la palpitation du corps

un démembrement d’avant les membres

l’âge de l’agir

ce qui meut l’agritude / = un retour au sol / =des angles noirs-blancs

l’agriculture incestueuse → l’agrume sans zeste

l’ager / la guerre

les champs une bataille

une défaite six cicatrice

une douce raclure une aigreur double

un naguère = des ensembles vides

un champs alpha et Ω du labeur

une lajalousie sans jouissance

u

l’agent n’existe pas

le genre n’existe pas

le corps existe

 

une joue-oie

joie

 

 

 

action

ça commence par une action

au milieu des gaz, quand tout est perdu

L’acte

le faire pense

faisons que faire se fasse

à force de faire, on défait

quand on est défait, on sait ce qu’il reste à faire

la faisabilité de la chose n’a pas de réponse – elle a une force qui embarque net

la réponse mentale réduit le faire à l’affaire, et l’affaire à la chose à faire

la chose est une erreur

elle est zoze

l’action défie les impasses, ne se fie pas aux tours de passe-passe, l’action, cette manière de condenser la force, un dénervement

 

l’action se fout des nombres

elle ne fait pas la somme – elle la saute

un bloc débloque

nous retenons en nos corps les irrigations des ancêtres

les fissures du barrage cellophané

 

 

avant les rizières inondées à venir

pendant la faillite généralisée des $

après la généreuse faille

 

 

 

 

SANS AVANT NI PENDANT NI APRES

le bug nous propose une pause narrative

 

in memoriam F.Scott Fitzgerald

voici venu le temps du règne général des fêlures

 

architecte terroriste

penser la fissure avant la structure

l’obus avant le mur

 

 

 

 

l’écriture, bordel

cette manière de

je bloque débloque

hétérogue alcocéphale olniubilé

par les puissances en akt

 

l’action n’est pas la somme

l’action ne compte pas elle décompte

elle met le compte hors bilan hors colonne

elle ne compte pas

la taux obligataire du marché secondaire

la durée hebdomadaire de soleil à La Réunion

la somme des gains de l’euromillion

les chômeurs de longue durée

la dégradation de la note de la Grèce

comptabilisant les chèques en dépôt

les actions OPCVM

les expulsions d’Air France

le nombre de lois liberticides

la somme impossible à réunir

le dégueulant « on dit »

Avec Orlan : Ceci est mon corps… ceci est mon logiciel

Le texte réécrit d’une conférence de 2009 qui s’interroge sur les transformations du corps. Et sur son passage du travestissement au transformisme, de l’icône religieuse au transmutant, à travers des figures apotropaïques d’empêchement, ORLAN accouche d’elle-m’aime ou le Manifeste de l’Art Charnel qui travaille l’autoportrait technologique entre défiguration et refiguration, un ready-made modifié ou encore l’hybridation de photos.

Cette toute la question de transformation du corps via les biotechnologies et, au-delà, de sa possible mutation.

Il serait intéressant d’en questionner les rapports avec le Manifeste mutantiste paru l’an dernier.

 

Le nouveau à l’épreuve du marché (à partir du livre de Maria Bonnafous-Boucher, Raphaël Cuir et Marc Partouche)

Une réflexion sur les liens entre créateur et entrepreneur, puisque les entrepreneurs s’emparent de l’art pour le faire fructifier et que des artistes s’emparent de l’entreprise comme modèle ou contre-modèle.

Une fois évacuée la question de l’utilité (avec Duchamp, Brancusi, Bertrand Lavier), les auteurs proposent une typologie entre l’artiste utilitariste (par ex Jeff Koons), l’artiste d’affaires ou l’artsite critique (les Lettres de non-motivation de Julien Prévieux). Ce qui intéressant et rare chez Prévieux, ce sont les réponses à ses lettres qui entame un faux dialogue marqué par la différence de tons.

La question de l’utilité reste d’actualité au travers d’oeuvres dont la visée est pragmatique. Dans Nos dispositifs poétiques, Christophe Hanna montre la possibilité d’apporter des connaissances techniques par la notion de dispositif. Cette question du savoir n’est pas toujours la plus visible, elle est prégnante dans Testimony de Reznikoff.

Puissance des descriptions de Claude Simon

 

La force des comme si et des participes présent au service d’une ouverture poétique du récit (voir Histoire, pp10-11). La possibilité de donner de l’effet au comme si par sa multiplication, son ampleur, ou le passage de l’ « objectif » au « subjectif » (on comprend la personnalité du personnage selon l’audace de l’image qu’il emploie).

Autre procédé : une sensation déclenche une image et avance avec de nombreuses incises et refus (pas…, pas…, non pas…, mais…) avec parenthèses et points-virgules (L’accacia pp98-99)

Lire et écrire avec Laurent Mauvignier

Des hommes est un livre poignant. Avec des raccourcis temporels étonnants. Ainsi cette description de personnage étonnante mêle futur (on dira, on n’ironisera pas, on se rappellera, on l’observera, on verra…) et conditionnel (et si on prêtait attention, on se dirait…on verrait…).

Dans Apprendre à finir, on ouvre aussi au futur : Il y aura toujours quelqu’un pour… Un futur suspect puisqu’il est lui-même inséré dans un passé : Il y aura quelqu’un, je me disais, il y aura quelqu’un parce que je savais qu’un jour il irait mieux… A partir de là l’écriture peut mettre en tension les énoncés rassurants / inquiétants, généraux / singuliers, intemporels / circonstanciels, indéfinis / définis, collectifs / individuels.

Avec Dans la foule (ex p70-72) on peut essayer de faire parler un sujet d’énonciation marqué par le groupe, le ça, le on et faire basculer le texte d’une situation impersonnelle à une situation personnelle.

On peut travailler ce passage du on au je en passant par le style indirect libre au moment d’une prise de conscience : « Combien de temps il m’a fallu pour comprendre…, pour que j’entende… » (Apprendre à finir, pp71-76) : émergence des souvenirs et révélation des non-dits.

Lire et écrire avec Laurent Mauvignier et Tanguy Viel – la question du secret

Le secret est une question délicate en écriture : force magnétique et risque du psychodrame. Comme dit Michel Azama, le secret ça sécrète, ça transpire, ça déborde, ça imagine pour deux.

C’est pas comme un bijou mais ça se porte aussi, un secret. (Loin d’eux) A partir de là, on peut dessiner un halo autour d’un personnage, augmenter son territoire, adjoindre les fantômes environnants.

La question de sa révélation est tout aussi délicate puisque le secret n’est pas seulement une chose ou un fait mais un halo, une densité. Un extérieur et intérieur retravaillant la figure du Horla chez Maupassant ou de l’inquiétante étrangeté.

On pourrait opposer une manière d’élucidation classique du secret comme manifestation de la raison (romans policiers au passé simple du début du 20ème siècle) à une manière contemporaine où la révélation, passant par l’inconscient laisse tout autant d’obscur et de mystère après (on pense aux puissances de l’obscur chez Edmond Jabès ou René Char à la suite de Parménide). Ainsi, dans Maladie de Tanguy Viel la révélation obscurcit le propos, ce qui se montre c’est une autre figure de boucle, d’insistances, de peurs… Déconstruction paradoxale de la figure du médecin sous forme d’interpellation. Puissance de l’adresse paradoxale qu’il y avait déjà dans Le banquier anarchiste de Pessoa.

lecture – Julien Blaine, Mes âneries dans le Berry

Une des impulsions serait bestiaire d’Apollinaire illustré par Raoul Duffy

Une poésie travaillant encore la question sémiologique, où le signe se cherche une autre forme, ne pouvant se satisfaire de la lettre seule.

Des rencontres avec les ânes comme figues, les chardons.

Un fabuleux texte « Ânes Grands Noirs du Berry, mes frères, tendez bien vos oreilles et répondez-moi! »où sont interpellés des figures animales questionnant l’élocution, des puissantes interpellations.

Je connaissais le « Portrait de l’auteur en âne en hommage à Giordano Bruno » masqué, au delà du pied de nez à Platon (les idées en haut, « non » sur l’index pour l’âne prophète.

Ce questionnement du rapport au signe d’avant l’écriture, au préhistorique, à l’animalité, éminemment inactuel et ainsi contemporain dans le sens de Giorgio Agamben (Qu’est-ce que le contemporain ?)

 

souvenir – François Villon – Poésies

 

 

Une histoire de capture et d’affranchissement, de labyrinthe et d’issue de secours, de squelette et de libération.

 

Me vint un vouloir de briser

La très amoureuse prison

Qui souloit mon cœur débriser

(Le lai)

 

Et puis Le Testament. On comprend qu’il soit devenu objet de réécriture actuellement, avec ses formes répétitives (Combien…, Item…, Tant Que…, Je connois…) Puissance des images de mort, de chutes, de crânes…

Et ce quatrain pour finir :

 

Je suis François, dont il me poise,

Né de Paris emprès Pontoise

et de la corde d’une toise

Saura mon col que mon cul poise.

lecture – Liliane Giraudon, L’Omelette rouge

 

Bien sûr il y a les noms propres et les figures qui nous hantent…Et le bruissement du monde, les paroles du dehors.

Ce qui me touche surtout, ce sont les ponts, ces formes de métalepses non narratives, entre le monde et la langue : son futur intérieur, la petite avoue : les guillemets on les a mangés, le nom dont je parle n’est pas celui qu’ils donnent / le mien c’est du pare-adjectif. Ou comment le travail de la langue labourait le monde et réciproquement. Avec cette phrase : sans syntaxe pas de destin / mais pas non plus de catégories. La syntaxe, littéralement ce qui fait ordre ensemble; en grec moderne :la retraite. En tirant ce questionnement, cela peut se comprendre comme la mise en ordre d’un chaos à partir d’un point de vue en retrait.

 

Danser sa vie

 

Une très belle exposition qui malheureusement patrimonialise l’histoire de la danse à travers de grandes figures – Loïe Fuller, Joséphine Baker, Martha Graham, Cunningham…laisse de côté le butôh, ce qui le rafraichit.

La partie « performance » est limitée : Yves Klein, Yan Fabre, Pollock…

Un livre du même nom recoupe les Ecrits sur la danse regroupe différentes approches, celles de Mallarmé, « poème dégagé de tout appareil de scribe », l’esprit oiseau selon Nietzsche

Et que l’on estime perdue toute journée

où l’on n’aura pas au moins une fois dansé

(Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra)

Métaphore de la pensée commentée par Badiou

la notion de métachorie (au-delà du choeur) de Valentine de Saint-Pont, la danse futuriste décrite par Marinetti (de l’Aviateur, du Schrapnell, de la Mitrailleuse). les Cahiers de Nijinski, l’idée de ballet mécanique retravaillée chez Oskar Schlemmer, la Danse comme forme du Temps selon Valéry, Laban et la nature fluide de l’espace , la notion d’énergie chez Mary Wigman en plus de celles d’espace et de temps et surtout son affaire d’apprivoiser la sorcière intérieure croisée un soir dans un miroir, la metakinesis de John Martin (dimension psychique de la danse), le dévouement constant et spontané au temps chez Merce Cunningham…

Les commentaires d’Agamben sur les rapports puissance/ acte et de Badiou sur Mallarmé et les principes de la danse (obligation de l’espace / anonymat du corps / omniprésence effacée des sexes / soustraction à soi-même / nudité / regard absolu ; par opposition au théâtre venant de la politique et du désir)

A quand la traduction des textes d’Hidjikata ? Leur absence nous permet de rêver.

 

invention du sauvage – fabrique du monstre

On y arrive par le musée du quai Branly.

Fabriques vuselles et textuelles du monstre, du rebut humain.

On s’en sort par des signes.

lecture – Mustapha Benfodil, Archéologie du chaos [amoureux]

Il y a quelque chose de déconcertant dans ce texte. Un apparent classicisme de certains passages (passé simple,clichés sexuels..) farcis d’un nihilisme profond, d’une jouissance blasphématoire, d’une impossible morale passant par le viol, de révolte esthétique et politique armés de slogans libérateurs et jubilatoires (Gloire aux rêveuritionnaires, Nietzsche ta mère humanité ! )– un refus des pseudo-acquis patrimoniaux politiques. Les notes de l’inspecteur Kamel qui enquêtait sur la mort suspecte de l’auteur imposent la métalepse comme figure majeure de mise en tension des identités d’auteur, de narrateur et de personnage. Enfin, le Manifeste du Chloupisme nous fait entrer sur les urgences politiques de l’Algérie contemporaine.

Éclairage par l’article Art, action et esthétique de la révolte (revue lignes n°36) qui explique comment pièce Maportaliche/ Cela n’a pas d’importance pour moi fut retirée de la Biennale d’art contemporain à Sharjah aux Émirats Arabes Unis en mai 2011 pour des motifs religieux. D’où sa critique de l’Art/tificiel, une forme d’art quasi-officiel qui met en sourdine les questions politiques brûlantes pour servir les riches institutions culturelles du Golfe (Louvre Abou Dhabi, Guggenheim Abou Dhabi, festival de cinéma de Dubaï…)en quête de légitimité culturelle tout en maintenant un conformisme politique.

lecture : Louise Desbrusses, L’argent, l’urgence

Il y a ce leitmotiv sonore « l’argent, l’urgence », il y a le rythme des questions et des parenthèses qui jouent le jeu d’accélérateur et de convocation de l’urgence et démontrent l’impossible pause narrative et l’impossibilité de différer. Il y a ces personnages allégoriques : l’Homme-à-élever, l’Eclat noir, il y la puissance oppressante des pléonasmes (la perforatrice perfore, le commencement commence…) et la faillite de l’Amour pour Un. Une machine à détruire la stabilité, les territoires conquis : le syntagme l’argent – l’urgence.

le boeuf m’habite

 

 

nous sommes tous morts nous nous accrochons
à notre sang de cochonnous sommes mortadellement momifiés
monstrueux à la petite semaine de bouchers chimériques certaines nuits la nuit éructant invisibles                                                         au jour levé bouche fermée

 

A Castelnaudary the World Capital of « le vrai cassoulet » on m’a fait l’éloge du cochon.

A Castelnaudary, tout a l’air si simple, le blé est en herbe, on est bien dans l’herbe, à déjeuner, sur le sol, les herbes poussent, c’est presque la nature à l’intérieur des palissades du chantier, c’est une vraie friche; on mange les mots, les photos sont trop lourdes pour en parler. Il y a le grain de la terre, les herbes sauvages qui poussent. Le chantier en jachère les herbes poussent les petits hôtels minables disparaissent les friches apparaissent les grues tardent le chantier est en retard, le retard réclame le chantier, chantier= retard, il se fait tard, on aime le chantier en retard, on tarde à terminer le chantier, le chantier n’est pas terminable, on déjeune dans l’herbe avec du saucisson et des baguettes, on frise le délire, c’est mieux qu’un hôtel. On a envie de se marier, ça commence à faire tard pour mettre la bague au doigt et faire la belle photo des noces. Va falloir reprendre le travail, on saucissonne le travail. On se demande s’il en manque pas un bout.

A Castelnaudary, j’ai décidé de résister et de défendre le boeuf contre le cochon.

Je préfère le boeuf au cochon. Le saucisson est très salé salé. Le boeuf salé est meilleur encore. Le cochon est très sale, le boeuf est très salé. La vache est propre, blanche, immaculée. Le veau est délicat et frêle. Le cochon se complait dans sa crasse. Dans le cochon on mange tout, les tripes, le nez, la queue en tire-bouchon et même les yeux. Les oreilles se mastiquent, le nez est déjà prédécoupé: il n’a pas d’arrête ni de pointe, contrairement au poisson. Le boeuf est tendre, il se mange par tranches ou par blocs. Le steak haché est d’abord coupé puis haché.

Tranche, rond de tranche, entrecôte, cote. Hampe, onglet, bavette d’aloyau. Filet, faux-filet, rumsteck, aiguillette, gîte, jumeau, plat de côtes, tendron, rond de gîte, paleron, macreuse, sacrée poitrine !

Le boeuf m’habite et m’abrite dans son gîte tendre où il m’offre poitrine généreuse et jumelage amical. Nous sommes des frères avec le boeuf. Nous détestons le saucisson et ses affres impures. Nous aimons le rouge. Je me demande si je ne prendrais pas un petit morceau de chorizo ?

 

le rebut humain (à partir de la revue lignes n°35)

La société mondialisée comme machine à produire du rebut (Zygmunt Bauman): les vaincus, les Troyens.

En gardant les distinctions entre des mesures de discrimination et d’exclusion à l’extermination.

Penser le global à partir de la périphérie, des êtres rejetés, abjecti (Guillaume d’Auvergne), les degiets, déchets, les inhumains.

Les lépreux et leur imaginaire n’existent pas seulement au sens clinique, mais comme figures de répulsion, où sont convoqués les Juifs, les prostituées, les mendiants, les sorcières, les fous, les prisonniers … et aujourd’hui, les pédophiles, les islamistes et terroristes.

Les colonisés ont ainsi été envisagés à partir d’un manque (religion, lois, obligations…).

 

lecture – Revue lignes 34 et 35 l’exemple des roms – les roms, pour l’exemple

Ces deux numéros questionnent l’ethnicisation des discours et pratiques étatiques, appuyés depuis le Discours de Grenoble du 30 juillet 2010 – la substantivation en chose « Qu’est-ce qu’on en fait ? » – et la concrétisation d’Hortefeux « démanteler dans les trois prochains mois 300 campements illégaux dont 200 de Roms ». Ce dont relatif mériterait d’être davantage commenté comme manière de dessiner les territoires mêlant droit et ethnie, zone de l’illicite dans laquelle on réserve spécialement une place pour une ethnie.

On peut être fasciné pour la diversité des noms désignant : Gitans, Tsiganes, Romanichels, Roms, Sintis, yeniches, Manouches…

Le mot rom signifierait homme par opposition à romni (épouse) ou Gadjé (les autres), migrants supposément venus de l’Inde, de la caste des Domba.

On y lit chez Jean-Luc Nancy une relecture de la lettre de Flaubert commentant la haine du Bourgeois pour les Bohémiens, et du Bohémien de Kafka : la figure de Jamais-Plus, le Romanichel, par opposition à Retiens-le,Saisis-le ratiers ordinaires.

On réfléchit le procédé de triangulation du pouvoir, avec ses étapes ,arratives :ouverture/discours de Dakar, responsables « dela diversité »/statistiques ethniques, identité nationale, etc.

Dans Une passion d’en haut, Jacques Rancière critique le présupposé du racisme comme passion populaire, depuis les lois Pasqua de 1993 qui donne lieu à un « racisme froid » d’Etat : le contrôle de la circulation des personnes (faute de contrôler celui des capitaux). Ainsi se constituent de nouvelles figures d’immigrés et de clandestins selon les lois qui permettent de donner figure au dangereux et de réaménager constamment la frontière dedans/dehors.

Etienne Balibar utilise la notion d’apartheid européen comme système d’exclusion sociale.

Des stratégies sont proposées : le devenir-rom du Nous sommes tous des Roms ! Du 4 septembre 2010, la notion d’hospitalité selon Derrida comme l’espace d’un accueil sans réserve et sans calcul, ce qui aurait été esquissé par les Enfants de Don Quichotte en décembre 2006 par opposition aux politiques répressives comme la destruction du Hanul, plus vieux d’IDF, de 10 ans, le 6 juillet 2010 envisagé comme art de la guerre non déclarée.

 

extrait d’Atrides – Paysages tremblés

j’achète

je vends

 

j’achète des vêtements et je jette des déchets

je jette des vêtements et j’achète des déchets

 

j’ai acheté des loques en croyant acheter des fringues

j’ai vendu des flingues en croyant vendre des jouets

j’ai acheté des navets en croyant acheter des langoustes

j’ai vendu des caméras en pensant vendre du confort

j’ai acheté du pétrole en rêvant d’acheter de l’or

j’ai vendu du porno en songeant à l’amour

j’ai acheté du coca en voulant du bio

j’ai acheté du p-cul triple épaisseur alors que j’en voulais du double

j’ai acheté des tableaux en imaginant acheter de l’art

j’ai acheté une vitrine en espérant acheter un miroir

 

je me suis vendu moi-même en me mettant en solde

je me suis acheté moi-même en me collant un crédit au cul

je me suis remboursé en me réendettant encore plus

je me suis raboté les crédits en m’en reprenant un pour la route

 

j’ai vendu ma fille en pensant acheter les dieux

j’ai vendu une soupe à mon frère en tronçonnant des enfants

têtes coupées, mains tranchées, pieds brisés

cheveux incendiés, poitrine calcinée

ça ne vit plus que dans la moelle

 

j’achète tout je vends tout

je me vends

je me solde

je me liquide totalement