AL DANTE: LE RAOUT
Archives de catégorie : textes
A paraître en mai 2014
ANASTROPHE CATASTROPHE ( à venir dans le festival Prodrome)
ANASTROPHE CATASTROPHE
ce qui contamine ma langue mater
nelle par une armée de pré
positions venues de l’ex
térieur un assaut en règle straté
gicle une affaire très physique tout ça et puis non: cli
nique une histoire de scalpel un appel à la dé
coupe
un rapport devenu canin à la vie une envie subite de mordre vite
(extrait de la glôôsse hybridation de langues française et grecques aux prises avec la glose économique pour faire surgir une autre parole, archaïque et contemporaine.)
Journal des Baumettes (extrait de la revue Esprit de Babel N°6)
Jour 1
Mal dormi. La mine des gens dans le bus comme des enfants défaits. A l’arrivée, le drapeau français punitif et les péchés capitaux sculptés par Gaston Castel. La prison extérieure est là : les valeurs morales.
12 portes sinon rien
digiphone porte carte badge porte
porte sas dadenas détecteur porte
porte badge porte
porte sas porte
bâtiment A porte sas porte
bâtiment B porte sas porte
porte clé porte ouverte porte ouverte porte fermée et
une salle
Quartier des condamnés à mort. Le dernier fut Ranucci.
Autour les bruits de porte les cris surveillant, au secours, parloir !
Ça se répétera chaque semaine.
Un mémoire du Robinson des prisons m’apprend comment faire un briquet électronique avec un coton tige, comment soigner le mal de gorge avec une gousse d’ail, la constipation avec de l’huile d’olive.
Je suis présenté comme un détenu: la tension palpable, les preuves à fournir de virilité (le bonjour comme enjeu et défi); autour: celui qui parle beaucoup, celui qui a les sourire en coin, celui qui se révolte (j’ai l’impression que vous prenez les autres pour des inférieurs car pas de revue corse), celui qui le soutient tout en paraissant obéir à la directrice (double jeu).
Ce qui sidère, c’est cet effet, cet état défait des corps; derrière les visages, la question de la violence et du passage à l’acte.
Au cabinet des curiosités, je découvre les vieilles portes de Toulon, un faux flingue en métal, un lance-pierre avec lanière élastique, un appareil de tatouage, une pipe, une matraque.
Dehors le camion attend avec dedans, les cages à lapin
J’apprends la langue interne du pouvoir : je suis dans la base de données Antigone.
Jour 2
Ici il semble interdit d’aimer. Les bruits sourds sont partout, l’écoute, nulle part.
Jour 3
Face à des barreaux noirs en bas, blancs en haut, je lis
les INDIGENTS sont autorisés à laver leur linge
arrêtez de jeter des détritus par les fenêtres, risque, avec les animaux, de maladies graves parfois mortelles, leptospirose ou maladie de Lyme
Attendre que CA CAIRE
Te voici vidé nu au trou
Te voici rempli de promesses de doutes et d’ivresse
Te voici insomniaque à imaginer des horizons plus larges qu’un crâne
Te voici hagard hors de toi quand bien même ce hangar de soi existerait
Tu es à poil anus ouvert tirant la langue
Tu danses les quatre pattes en l’air
Jour 4
Eh bien me voilà en prison, la gorge prise, le nez en nénuphar, avec quoi à transmettre.
Eh bien me voilà, défait, affaibli par ce qui me reste d’espoir.
- Vous comprenez la fissure elle est là comme ça elle s’est élargie avec la pluie et les années et l’assurance ils s’en fichent je sors en courant je cours toujours je m’arrête pas mais cette fissure ça me fend vous comprenez la fissure arrête pas de s’agrandir je l’ai plâtrée bouchée tout à l’heure avec tout ce que j’avais mais rien à faire l’angoisse continue même après la nuit et qui plus est parmi nous
Jour 5
Je me souviens de R., un barbu tout rouge, il serre toujours les menottes un peu plus que nécessaire.
Je me souviens d’O., il reniflait sans cesse, il ne renâclait jamais à donner un coup de paluche.
Je me souviens d’H. il était musclé et écartait les gens du regard.
Je me souviens d’A., il n’avait plus de dents, perdues à coup d’un coup de bélier de la police.
extérieurement néo-colonial intérieurement il machine
extérieurement il n’en peut plus intérieurement c’est tendu
extérieurement intérieurement
c’est ainsi extérieurement que ça se passe
intérieurement c’est sous-jacent
extérieurement il n’aime pas intérieurement il admet
extérieurement c’est ceci intérieurement il n’implique plus cela
ici là c’est pas cela parce qu’ici puisque là
non plus jamais ici
Encore une fois défait.
Jour 6
Inutile de se cacher la vérité. Je suis défait. Je ne cherche plus qu’à téter, suçoter, temporiser. L’insupportable est à chaque pas. Surtout ce qui pourrait améliorer les choses.
Enfin sorti, de l’air, vite!
Jour 7
Lorsque j’arrive je n’ai déjà plus de poumon, ma respiration est laborieuse, les « au secours » alentour se sont multipliés, les remords de la nuit m’a épuisé, le pressentiment d’une catastrophe imminente m’avait lessivé.
Jour 8
Remplir des cases : je ne sais plus pleurer.
Comme dit Vaujour : Prison: endroit d’où il faut s’évader
Jour 9
L’effroi et la tension, la peur au ventre, le bruit de chute des ciseaux au sol, la parole pour meubler radicalement, radicellement.
Jour 10
Les circonstancielles m’apparaissent en conditionnelle et les circonstances atténuantes comme des fables ténues. Alors l’émotion se transforme en expérience. Sur le mur, on annonce une course camarguaise à la maison d’arrêt.
Jour 11
Je / lève / un / pied / pas / suspendu / cigogne / sinon / balle / kalachnikoff / de face / ou de dos / selon police / ou gendarme
C’est parce que tu rencontres une chaussure éventrée que tu penses au Père Noël, au zéro défaut / au 4 fois sans frais.
Ab. me raconte comment il s’est fait tabassé volontairement par solidarité avec son frère.
Jour 12
8H Souvenir d’un rêve. Une araignée morte.
10H Tu entends ce que je dis ?
12H Baumettes : Walà!
14H Digestion difficile – trop de choix
16H Hypnotisé – plus rien ne se passe
18H Vissé
20H Un verre vide
22H Un étirement pour survivre
Jour 13
Un gardien : « c’est grâce à la bonne mère que je suis là ».
Autour une foule déserte, une forêt métallique, une inertie mouvementée
un cri silencieux, un ego humble.
Jour 14
Des visages marqués, un état d’accusation, défait. Une lecture hirsute. Une fièvre qui monte.
Jour 15
Des espaces à n dimensions
5eme étage – quartier disciplinaire – cercle- portes beiges
4ème étage – quartier d’isolement – portes jaunes
1er étage – travailleurs – portes bleues
Emmaus- photo de l’abbé Pierre – carte bleue obligatoire
QD, QI, salle de sports muscu et l’infirmerie qui goutte
Une prison des femmes avec la cyberbase sans internet, l’espace de rencontres pardoxale parents-enfants, la nurserie qui garde.
Textes issus des ateliers
Espaces
portes
il y a des portes qui sont des portes qu’on porte
quand le malheur s’enchaîne les portes se déchaînent
quand je franchis une porte j’oublie ce qui se passe derrière
moi je regarde en face et je tourne ma tête de gauche à droite
je change de territoire sans savoir ce que je vais y découvrir
les mots ouvrent des portes les mots ferment une porte
il y a toujours une porte derrière la porte
escaliers
vivre dans l’escalier ça me rappelle quand on sortait tous de la maison pour se griller une cigarette
la vie est un escalier qui monte et qui descend, le plus dur est de garder l’équilibre pour ne pas tomber et surtout d’empêcher les autres qui convoitent ce haut de l’escalier de te faire glisser
l’escalier est un tas de questions une ascension psychologique vers le point d’interrogation inversé
murs
on écrasait nos cigarettes sur le mur d’en face
les murs les plus hauts sont ceux qui sont bâtis sans fondement et que nous avons dans notre tête, dans notre cœur, dans notre âme, dans notre inconscient, ils ne sont pas bâtis avec du mortier mais avec LA LANGUE et ce sont les plus durs à détruire à abattre à fissurer à conquérir à gravir – ils sont hauts, plus hauts que Babel ou Jéricho.
Écrire des mots choquants sur les murs pour prouver aux autres et à nous mêmes que nous existons
les murs de l’ego
phrases entendues
quand on assume ça s’efface
pas de bruit! Ça annonce rien de bon
allez on passe à table
il s’agit de
jouer à deux touches /collectif / entrer en contact/ tenter les occasions
la prison ça t’ouvre les yeux
longue est la naissance d’un homme / je suis né il n’y a pas longtemps
TEMPS – Nychtémère
6H45 j’entends les clés, envie terrible de pisser /rêves de mer turquoise et de sable blanc /les barreaux me reprennent brutalement/ la liberté n’a pas de prix/ je me passe de l’eau sur le visage
7H les convocations du jour pleuvent dans la boîte à lettres / les mots ouvrent les portes, ferment les portes, les convocations aussi
7H10 les mots réouvrent la porte de la cellule, mais il y a d’autres mots derrière la porte/ direction les cantines du sous-sol – à chaque jour un bon: lundi arrivage des marchandises, mardi bon rose, mercredi bon bleu, jeudi bon vert, vendredi bon jaune et à chaque fois : la générale + dispatching
7H30 petit-déjeuner frugal / deux cafés une tartine
8H promenade pieds glacés -je bats le sol des pieds pour voir si j’en ai toujours/ liberté des sens
10H00 le temps n’en finit plus
10H30 des couloirs froids, venteux, inhospitaliers – la prison t’ouvre les yeux
11H la solitude est l’ennemie de la liberté / heureusement ici je ne serai jamais seul
11H30 remontée en cellule/ ménage/ préparation du repas / allez on passe à table
13H encore l’appel et si possible une douche
13H30 activités de promenade – alors l’avocat qu’est-ce qu’il a dit ?/multimédia
16H réintégration des cellules, goûter face au regard de l’enfant
17H il pleut des gamelles
17H30 préparation du souper
18H15 pompes -histoire de dire que
19H allez on passe à table
19H15 informations régionales – fin du duo Woerth-Bettencourt
20H30 télé/ incontournable film/ courrier
22H ça fait peur / je suis né il n’y a pas longtemps / longue est la naissance d’un homme
22H30 coucher/ l’inégalité est au début, le hasard à la fin / finalement tout est la faute du hasard ce grand maladroit
les aiguilles du temps ont quartier libre
avec la participation de
Sylvain Peureux, régleur de peur
André Laumonier, angoissologue
Fréderic Vertonna de Voltaire, ajusteur d’âme
et autres complices d’écriture
Dédale et nous
labyrinthes et issues de secours
affrictions
une expérience aux Baumettes
La figure de Dédale
Personnage de la mythologie grecque, Dédale est surtout connu pour avoir conçu le labyrinthe de Crète qui y retint le Minautore. Ancêtre d’Eupalamos (en grec « main habile ») et de Palamaon (en grec « manuel »), il crée la statuaire, invente la hachette, le fil à plomb, la vrille, la colle. Comme souvent dans la mythologie, le meurtre constitue l’élément fondateur du mythe. Et c’est avec son neveu et rival Talos, qui imagina le tour, le compas, la scie, que l’histoire de Dédale commence. Secoué par une profonde jalousie, Dédale jette celui-ci du haut de l’Acropole (temple dédié à Athéna). Découvert en essayant de faire disparaître le corps, Dédale est banni par l’Aréopage (Tribunal de l’Athènes antique) et se réfugie en Crète auprès de son roi Minos (fils de Zeus). Là-bas, il y fabrique des statues, une place de danse pour Ariane, et sculpte une vache de bois plaqué cuir qui permet à la reine Pasiphaé dissimulée à l’intérieur de s’unir au taureau, et dont elle enfantera le Minotaure, mi-homme, mi-taureau, pour lequel Dédale construira le Labyrinthe. Tous les neufs ans, en expiation du meurtre d’Androgée, fils de Minos, par Égée, roi d’Athènes, sept filles et sept garçons sont envoyés en sacrifice au Minautore. Thésée, lui-même fils d’Egée, est tiré au sort parmi les jeunes destinés au sacrifice. Mais Dédale fournit à Ariane le fil qui permet à Thésée de sortir du labyrinthe. Minos l’apprend et y enferme Dédale et son fils Icare. Afin de s’échapper, l’ingénieux architecte fabrique des ailes avec des plumes, du lin et de la cire. Ils s’envolent. Malheureusement Icare s’approche trop près du soleil. La cire fondant projeta Icare dans la mer où il se noya. Dédale arrive ainsi seul à Cumes près de Naples puis se cache en Sicile où il se met au service du roi Cocalos. Là il construira un barrage, une citadelle pour le trésor, le soubassement d’un temple d’Aphrodite sur un rocher à pic du mont Eryx, un établissement thermal. Minos toujours désireux de se venger propose une récompense à qui saurait faire passer un fil à travers une coquille d’escargot dans l’espoir de débusquer Dédale. Celui-ci réussit à résoudre ce problème grâce à une fourmi et du miel à l’extrémité mais révèle par la même occasion sa cachette. Minos réclame alors à Cocalos la tête de Dédale. Mais les filles du roi, à qui il avait construit des jouets des poupées munies de jambes amovibles, l’aident à ébouillanter Minos dans son bain grâce à un tuyau sortant du plafond. Dédale poursuit par la suite ses aventures en Sardaigne , et construit de nouveaux édifices qui portèrent son nom, les Dédalies…
L’enfermement est extérieur (la prison, l’hôpital, les murs…) et intérieur comme le dit Michel Vaujour dans Ne me libérez pas je m’en charge : comment s’imbriquent les obsessions de la prison et de l’évasion, la prison intérieure et extérieure. . Qui prendra le dessus ?
Contexte
Dédale et nous
L’atelier « labyrinthes et issues de secours » est placé sous la figure tutélaire de Dédale qui porte toute l’ambiguïté de la construction d’un labyrinthe et de son évasion. Il questionne les dualités intrinsèques que nous portons.
Injonctions paradoxales de la figure de Dédale comme figure tutélaire de cet atelier :
- montrer/cacher : Dédale montre (les statues des dieux qui créent une équivalence entre regarder et être regardé) et cache (la vache de bois, le labyrinthe, la citadelle). Et dans nos textes qu’est-ce qui est caché ? Qu’est-ce qui est montré ? Quel est le rôle du secret ?
- créer/tuer : Dédale crée (les statues ont l’air vivante, il permet la naissance du Minotaure) et tue (son disciple Talos, son fils Icare par imprudence, il est complice du meurtre du Minotaure, de Minos. Comment cette tension entre créer (mettre au jour) et tuer (faire disparaître) travaille-t-elle nos textes ?
- forme/ illusion : Dédale crée des formes illusoires : Héraclès, face à sa statue, la frappe en croyant qu’elle est vivante ; Pandora, parée de bijoux dédaléens, apporte le malheur ; la vache de bois fonctionne comme appât pour le taureau qui se fait piéger (et plus tard, le cheval de Troie apporte le massacre). Quelles formes, quels appâts inventer pour attirer, égarer le lecteur ? Le labyrinthe comme piège
- rectitude/ sinuosité : Dédale mène droit son rabot, prescrit à Icare la route droite (la navigation aérienne), invente le fil à plomb rigide. Et c’est lui qui travaille les courbes : le labyrinthe, le peloton d’Ariane (la solution est un redoublement du problème) ; à Délos il enseigne à Thésée une danse dont les figures imitent les tours du labyrinthe ; l’épisode du fil en spirale dans l’escargot. Comment allons nous travailler la tension entre une écriture linéaire et une écriture sinueuse.
- maîtrise/excès : Dédale est celui qui maîtrise (les thermes de Sélinonte, le vol entre la chaleur du soleil et l’humidité de la mer) et celui qui est capable des grands excès : jalousie ; ébouillantage. Et dans nos textes : s’appuyer sur une maîtrise des consignes pour s’autoriser de grands excès ?
PIRE QUE PREVU
Vous ne pouvez pas comprendre. Vous me croyez de l’autre côté ? Vous pensez vraiment que j’habite l’envers du décor ?
Oui je suis de l’autre côté. Vous n’avez pas compris. De l’autre côté. Pas l’envers. L’autre.
Que vous vous méfiez de l’envers du décor, soit. Tout tailleur qui se respecte ferait pareil. Et vous avez scruté, inspecté. Et du côté de l’envers il n’y a rien . Riemen rein nothing nada tipota.
Pas un pli, pas une bordure, pas un ourlet, pas une frange, pas une ride, rien.
Vous croyez vraiment que je trafique pour échapper aux taxtes et que c’est pour cela que la météo a changé et que le fléau nous est tombé sur la tête ?
Vous croyez vraiment que les prix augmentent parce que je stocke de l’or dans ma cahute ?
Vous pensez sérieusement que je pousse les paysans malgré eux aux larcin et à la fraude générale ?
Je ne suis pas l’envers du décor.
Je suis juste de l’autre côté, après l’orée, après la marge, dans la lande.
PIRE QUE PREVU
On m’amène un bûcher en flamme. Ça sent, ça crépite. On me présente un rat, un sceau, une corde. On me demande si je préfère l’intelligence du rat ou la sagesse de la corde. J’ai pris la corde. Gagner du temps. Encore que. Je ne sais pas combien. Les officiants s’affairent, se regroupent, vont chercher trois hommes masqués qui se consultent longtemps sur l’estrade. Le plus grand scrute le rat qui semble avoir sa faveur. Il le réclame, je peux l’entendre. Le plus petit regarde la foule qui réclame aussi. Il saisit la corde et la donne aux autres. On récite une première prière. Demain tout ira mieux. Avec un peu de chance, vous mourrez sauvé.
On me présente la facture des méfaits. Quand tu auras le visage tout rouge tu seras bientôt sauvé
Espoir de tuméfaction.
On me parle promesse, engagement, mensonge, charte, solution, dette, unique solution unique, défaut régulier, surprise, pire que prévu, pire que prévu, pire que prévu
Un homme en noir s’avance et déclare acheter ma peine. On s’affaire. Il paiera plus tard si je lui donne satisfaction. On court, on discute, on signe.
Le sang monte à la tête. Je vais bientôt exploser. Il me dit qu’il va rééchelonner ma douleur, il me prend en laisse avec la corde, il resserre légèrement – le salut attendra.
annonciatio in vitro
ANNONCIATIO IN VITRO
ELLEpenchée en avant, main au sol, ramasse des graines | LUImains nouées, gorge en boule, liane de ses jambes aux genoux d’abord, aux chevilles ensuite |
Salut de l’innommé ou du nom oublié maintenant-maintenant (le doigt vers le ciel)
Placez la graine dans le coffre Nettoyez vous les mains Patientez jusque votre tour Vous entrez maintenant dans une zone non sécurisée
Etirez la colonne. Visionnez. Tenez. Vous voyez le phare, le cri. La brume est épaisse, à fendre au couteau. La croissance a failli. Les résultats sont pire que prévu. Ne vous retournez pas, jamais. Vous en prenez au moins pour 10 ans. Demain il sera à chaque heure midi. (marche, marche sans fin, immobile ou couvre ou couve) |
Un-deux, un-deux, plus tard, plus tardE4-J7
Pourquoi pas allumer un feu pour contrer ce qui m’obsède ? Revoir un diaporama. Régler le rétroviseur. Relire Balzac et mourir. Revenir au cimetière. S’acquitter de la facture. Relier les dossiers et garder un reste pour la route au cas où Tant de brouillard en journée ça clignote partout, mal au dos, la nuit est partie (la colonne comme un arc électrique) |
Rayon éclair sur place nette// crépitement de bois brûlé
ça n’est pas comme un fracas mais ça clignote aussi, une intuition
de dos de face chaque jour là ne peut échapper
ça s’est passé il y a 27 jours, ça en durera 21, renouvelables un temps pour mûrir, un temps pour cueillir
Sur la route serpentante d’Athènes, longeant la côte découpée, oui plus que découpée concassée, émiettée, au km 21, près de la station service FINA près du STOP, elle tient la pompe à essence d’une main, se penche en avant, et touche le sol de l’autre main.
Lui, il compte les billets et raconte des histoires.
Bruit des voitures devant et du klaxon au virage.
début du trognon
ce qui advient
après l’étouffement fou le grattage de la gorge
dénommée détresse ventilatoire
par la police des frontières
pas un programme décidé en lieu officiel
dédié aux mises en œuvre professionnelles et financières
non pas une destinée écrite par des astres arquant leurs croissants pourquoi pas un mektoub sur la gueule pour former des futurs
non pas un thème astro lu sur un comptoir strident
promettant une décisive rencontre et des responsabilités professionnelles
pas un plan quinquennal voté aux 3/5èmes moins une hasardeuse abstention
non pas un putain de bilan de compétences
favorable à une acceptation de l’avenir frileux
pas une conjoncture économique capricieuse
qui ne cessera de perturber les tentatives de coordination des conjonctions
encore moins une sortie de crise critiquée par des experts saluant leurs pairs et critiquant leurs enfants
mais, plus souterraine, plus large, l’encerclant à droite, à gauche, précise, décidée, opiniâtre, derrière les nuages bas
la puissante et globale poussée de rage
l’imperceptible et lent déploiement au plein jour des pustules, des rancoeurs, des chuintements, des boursouflures sortant, s’ouvrant, se déployant, pulsant, hésitant, invincibles et délicats
LA CONDITION
NOTRE INHUMAINE CONDITION
conditionné
air conditionné
fenêtre conditionnée
posée sur un mur
conditionné
le produit est conditionné dans son emballage
le grand déballage médiatique est conditionné au poids
de la censure intérieure
la réflexion interne est conditionnée
dans son étui osseux et orgueilleux
quand je dis CONDITION je ne veux pas dire juste le mot à condition qu’on me comprenne
je ne veux pas non plus qu’on me comprenne sous condition
je voudrais dire le mot sans condition de compréhension ni renvoi sans préhension ni envoi
tout en étant conditionné par l’impression d’être incompris
Ma pensée est sans condition mais sous condition. Sans mais sous. Pas sous mais sans.
Quand on est sous condition on est conduit par elle. A la baguette, à la carotte. A la braguette et au bâton.
Conduit ne veut pas dire dirigé
ne veut pas dire admirer
ne veut pas dire prosterner
conduit veut dire accompagné
être marché avec
Quand CONDITION arrive alors l’action passe
Quand CONDITION déboule alors l’imprévisible cassé
Quand CONDITION digère alors mouvement en sommeil
une condition est dite larvée lorsqu’elle s’étale sans luxure
qu’elle attend sans s’égarer
une condition est dite générale lorsqu’on veut éviter qu’elle arrive
le conditionnel n’est pas un mode encore moins un temps
il est la mode perpétuelle et le temps qui insère tous les autres
si je ne veux plus vivre dans le passé alors je vais m’efforcer de vivre dans les présent à l’avenir ou plutôt à vivre au présent dans l’avenir
la condition n’est pas notre horizon elle est notre bordure`
la condition nous borde comme on borde un lit
pas sans effort mais sous le matelas
pas sans mais sous
notre maison conditionnée conditionne notre pensée
nos vêtements conditionnés conditionnent nos corps
ils nous bordent pour bien dormir
l’air conditionné permet d’avoir ni chaud ni froid
permet d’entendre des horreurs sans que ça fasse ni chaud ni froid
l’air conditionné est bon pour le ni-ni
le nini remercie l’air conditionné de le border tous les jours
ça rassure
rassurant l’air conditionné
son bruit de générateur qui ne s’arrête jamais
sa présence
rassurant ils disent
le conditionnement de l’air permet celui du corps
une seringue géante d’air dedans
/
ils n’ont pas voulu dire interdire alors ils ont dit c’est la condition
derrière la condition il y a
la condiction
et derrière
la conduction
la condaction
la condictée
l’addiction
l’addictée
quand on me dit des paroles j’entends des voix
extrait de la glôôsse (planet xpress le 19 octobre)
la glôôsse voilà ce que je cherche qui m’angloisse qui m’englobe
la glôôsse voilà ce que je trouve et m’languoisse et m’hémoglobe
la glôôsse voilà ce qui ce qui démomifie la matrice
la glôôsse voilà ce qui m’anime l’émoi des mots
la glôôsse voilà ce qui me terrorise la bobine
la glôôsse voilà ce qui m’escarre la rétine
la glôôsse voilà ce qui me meut et m’émeut
la glôôsse voilà ce que je et qui cherche
la glôôsse voilà ce qui active la globine
la glôôsse voilà ce que je et qui
la glôôsse voilà ce que et qui
la glôôsse voilà ce qui
m’engloose
ce qui contamine ma langue mater/
nelle par une armée de pré/
positions venues de l’ex/
térieur un assaut en règle straté
gicle une affaire très physique tout ça et puis non: cli/
nique une histoire de scalpel un appel à la dé/
coupe :
un rapport devenu canin à la vie une envie subite de mordre vite
ça n’a pas de nom ce malaise
étant plus qu’une chose: une substance
le genre n’existe pas (extrait- radio Galère)
LA DORADE EL DORADO
IL n’est pas lui
n’est pas une île
IL a-t-il des ailes ou n’en a-t-il pas ?
IL n’est pas une île, c’est un isthme, une presqu’île reliée au continent par une langue de terre – une erreur destinée à errer aux périphéries en se prenant pour le centre.
Il est fait de boue, il bout, il est à bout, un rebout, un rebut : une mâle-glaise, une épaisse mallette de boue portée de part en part
puisque le masculin n’est pas masculin, il est le général.
Il se nourrit de signe. La terre se nourrit d’empreintes. Elle se nourrit de rythme. Le ciel se nourrit d’elles.
Un chronomètre les anime – une chronophagie généralisée
Un trait. Des unions. Impossibles.
Des directions. Un acte.
Edith Azam – le mot il est sorti
Azam le mot il est sorti
Un texte qui nous dit les contorsions du ça, la question d’un vocabulaire qui manque, la prise en tenaille de la voix dans la camisole métallique du langage, une carcasse-carapace qui n’est cependant pas carcérale, un tour d’écrou non refermé, mais ouvert sur l’adresse à l’autre, un tu-vous qui se cherche, se creuse, se débat, s’ouvre, une gorge qui se contorsionne. L’évitement du frontal.
Un corps de mots, une reptation de langue… Lisez!
souvenirs d’emplois du temps (atelier d’écriture aux Baumettes)
TEMPS – Nychtémère
6H45 j’entends les clés, envie terrible de pisser /rêves de mer turquoise et de sable blanc /les barreaux me reprennent brutalement/ la liberté n’a pas de prix/ je me passe de l’eau sur le visage
7H les convocations du jour pleuvent dans la boîte à lettres / les mots ouvrent les portes, ferment les portes, les convocations aussi
7H10 les mots réouvrent la porte de la cellule, mais il y a d’autres mots derrière la porte/ direction les cantines du sous-sol – à chaque jour un bon: lundi arrivage des marchandises, mardi bon rose, mercredi bon bleu, jeudi bon vert, vendredi bon jaune et à chaque fois : la générale + dispatching
7H30 petit-déjeuner frugal / deux cafés une tartine
8H promenade pieds glacés -je bats le sol des pieds pour voir si j’en ai toujours/ liberté des sens
10H00 le temps n’en finit plus
10H30 des couloirs froids, venteux, inhospitaliers – la prison t’ouvre les yeux
11H la solitude est l’ennemie de la liberté / heureusement ici je ne serai jamais seul
11H30 remontée en cellule/ ménage/ préparation du repas / allez on passe à table
13H encore l’appel et si possible une douche
13H30 activités de promenade – alors l’avocat qu’est-ce qu’il a dit ?/multimédia
16H réintégration des cellules, goûter face au regard de l’enfant
17H il pleut des gamelles
17H30 préparation du souper
18H15 pompes -histoire de dire que
19H allez on passe à table
19H15 informations régionales – fin du duo Woerth-Bettencourt
20H30 télé/ incontournable film/ courrier
22H ça fait peur / je suis né il n’y a pas longtemps / longue est la naissance d’un homme
22H30 coucher/ l’inégalité est au début, le hasard à la fin / finalement tout est la faute du hasard ce grand maladroit
les aiguilles du temps ont quartier libre
Souvenir d’un jour en prison
Jour 1
Mal dormi. La mine des gens dans le bus comme des enfants défaits. A l’arrivée, le drapeau français punitif et les péchés capitaux sculptés par Gaston Castel. La prison extérieure est là : les valeurs morales.
12 portes sinon rien
digiphone porte carte badge porte
porte sas dadenas détecteur porte
porte badge porte
porte sas porte
bâtiment A porte sas porte
bâtiment B porte sas porte
porte clé porte ouverte porte ouverte porte fermée et
une salle
Quartier des condamnés à mort. Le dernier fut Ranucci.
Autour les bruits de porte les cris surveillant, au secours, parloir !
Ça se répétera chaque semaine.
Un mémoire du Robinson des prisons m’apprend comment faire un briquet électronique avec un coton tige, comment soigner le mal de gorge avec une gousse d’ail, la constipation avec de l’huile d’olive.
Je suis présenté comme un détenu: la tension palpable, les preuves à fournir de virilité (le bonjour comme enjeu et défi); autour: celui qui parle beaucoup, celui qui a les sourire en coin, celui qui se révolte (j’ai l’impression que vous prenez les autres pour des inférieurs car pas de revue corse), celui qui le soutient tout en paraissant obéir à la directrice (double jeu).
Ce qui sidère, c’est cet effet, cet état défait des corps; derrière les visages, la question de la violence et du passage à l’acte.
Au cabinet des curiosités, je découvre les vieilles portes de Toulon, un faux flingue en métal, un lance-pierre avec lanière élastique, un appareil de tatouage, une pipe, une matraque.
Dehors le camion attend avec dedans, les cages à lapin
J’apprends la langue interne du pouvoir : je suis dans la base de données Antigone.
David Lespiau – Aluminium (argol)
un livre à relier à l’oeuvre du peintre Robert Rauschenberg sans que ce soit un rapport d’illustration. Ça ressemblerait plutôt à un travail d’inventaire, de nomination des objets. Les verbes conjugués y sont rare, peu à peu des territoires se construisent.
faire du vélo dans un tunnel
le transporter dans une barque
s’échapper du bagne
BOURLE
Et qu’est-ce que je fous ici dans la bourle à bourler parmi les bourleurs pleins sans savoir ce que je bourle c’est fou de rien savoir à ce point sur la densité la consistance de la bourle ce qu’il y a dans la bourle s’il y a des boîtes de conserve périmées des calendos frais ou du cobalt pur / je bourle tu bourles dans ces bourles immenses qui se forment en bandant des arcs de désir se développent croissent oblongues puis rondes puis s’allongent et s’effilochent parfois postillonnent du crachin mou et rêche / je mâche mon chewing-gum menthol haleine fraîche retour assuré tu déballes ta bourle hors de la mâchoire les incisives élimées et tu t’emballes ton cadeau à l ‘intérieur avec le bonheur d’éclater un paquet gonflé d’air / dans la bouche tout d’un coup il devient petit et dur comme une toute minuscule fiente – y a que la bourle qui sait ce que je fous à ce moment ++ précis mais elle s’en fout entièrement la bourle devenant boule elle arrête pas de gonfler dans sa bande dessinée pour illettrés et son mirage de possessions lascives elle continue de grossir presqu’ovale une peau de pêche tendue une outre pleine jusqu’aux os à marée haute comme si enceinte gorgée elle enfle raide jusqu’à ce qu’
UNE FOIS ça pète ça sorte ça explose et fasse tomber les murailles d’un coup les forteresses d’une rafle de vent les murs d’une frappe d’une énorme boule d’acier / on attend tous que ça pète les mains croisées sur la poitrine ou parfois les poings sur les hanches pour changer elle a perdu les eaux c’est pour bientôt y a du sang sur les murs c’est le moment de se frotter les mains et de passer à la caisse cash-cash express disent les experts on attend / leur proverbe dit quand il y a du sang sur les murs il est temps d’acheter des actions, quand il y a accalmie c’est bon pour les obligations, agir ou s’obliger telle est la question la volute de fumée tout autour et le souvenir du champignon de poussière qui monte vertical après l’impact et les cendres en pluie sur nos cheveux laqués et nos loques chéries tout autour les autres bourlent et « oh la belle bourle » et « c’est quand le bouquet final ? » et « pas encore pas avant l’automne prochain » et « on peut pas savoir » faut attendre le chiffre d’affaires en Power Point -R et la météo en 3D, et la dérive de l’anticyclone et le bilan semestriel et le mouvement de l’anticyclone, le retour sur investissement et le coup de sang des Açores / c’est vrai qu’on l’attend vachement la langue pendue le camembert sur la diapo peau vert-point avec plein de couleurs et de tranches et la grosse part bleue des bénefs qui brille on coupera pas la pointe c’est mauvais pour la conservation ça perd du goût et « on s’en fout c’est toujours les mêmes qui s’en mettent plein les poches » ça c’est bon pour la conversation et « y a une poche d’air qui pourrait compliquer l’affaire et baisser les bénefs » ça c’est pour la consumation jusqu’ici tout va bien la bourle est belle et boule de plus en plus boule de plus en plus belle avec ses hanches arrondies bonnes pour la consommation elle donne envie de foncer bille en tête frapper fort en plein dans le mille avec plein de zéro bingo banco qui font « splasch » et « krach » voici le moment de planquer plein de zéros à la fois/ voici le temps idéal pour faire ses conserves pour l’hiver et acheter des chewing-gums pour l’été
UNE FOIS tu comprends pas ça pète la nuit / j’ai rien vu je dormais je rêvais d’échanger quatre billes de verre contre un paquet de chewing-gum fraise pamplemousse mais l’autre copain avait qu’un calot plus très rond un jour donc la bourle sort de la bande même plus dans la marge elle a foutu le camp dehors elle a pris le maquis la lande obscure sans trace sur les pistes les zéros sont partis en file indienne à la queue leu-leu chez les abonnés des bourles décidées à bulletin secret i reste plus que des épaves par terre les bandes ont tout pris les zéros par boulettes de douze i reste que des débris je vous dis
en me promenant derrière le camping j’ai trouvé un zéro sur la plage tout rouillé et tout fêlé un morceau de zéro avec des coquillages incrustés je l’ai mis dans ma poche puis j’ai fait quelques pas sur les galets je l’ai jeté tu t’en fous je préfère continuer à bourler jusqu’ici tout va bien on pense encore à la bourle sans penser qu’elle est bourrelée on réfléchit trop tard aux pansements quand les gaz ont fait déserter la rue et que tous ont foutu le camp c’est fou quand on y songe ce qu’on peut bourler sans s’en rendre compte.
faire péter la carte
Il y aura toujours quelqu’un pour sortir un billet
remplir un chèque
faire péter la carte
il y aura toujours quelqu’un pour laisser un pourboire
pour payer un coup
s’acquitter d’une facture
il y aura toujours quelqu’un pour ça
parce que payer, il se dit
parce que l’argent quand même
parce que manque l’argent
et qu’il allait falloir continuer
Deux mains oreilles ouvertes
DEUX MAINS OREILLES OUVERTES
d’un trait sans foi ni loi après les courses
avec puissance obsession et idiotie carrées
les forcer les ceinturer à un quart d’heure à la ronde
les pousser à l’éructation
d’abord les faire ramper
un par un
avec la force de la tétanie
d’une puissance ténue
qui fait glisser
lustrer le sol en lino
décoration parquet chêne brun poncé ciré laqué
travailler les mots
les pincer d’abord
par l’oreille ou le menton
crochet gauche à décocher
ou alors aussi cracher pour hypnotiser
un crachat nauséabond d’après la nuit
quand tout e corps a failli
goûter les voyelles
évider les mots de leurs vocales
même si on sait
qu’elles se taisant
les ordures voies
pas de de cesse
pas de retours
des tours de passe passe sans cessez le feu
incendies durables
coups de couteaux récurrents
en faire du rugueux
de la pâte râpeuse
boule en gorge
bille en foie
de l’exquis qui rejoint
de l’enduis de rebouchage
à mélanger
déranger
la langue profite à la langue
toujours plus forte par temps calme ou agité
là j’ai tenu
désossé
et encore raté
un grand ratage aux ¾
qu’est-ce qui s’est passé ?
C’était coincé des prépositions
prépositionnées dans la bouche derrière les dents
devant la ligne
du front même
avant même
l’arrivée
des minuscules mots
désossés ou pas
passeront entre les mailles par échos
souvenirs anticipations flexions
réflexions : tu les fléchis
ils te réfléchissent
refaire une stratégie
défense bambou
tactique du baiser de l’ours
prendre trois ongles à la hussarde
juste viser
se limer les ongles
deux mains
oreilles ouvertes
Et parmi tes amis ? il y a
des versions sonores
Et parmi tes amis ?
Et parmi tes amis?
Et parmi tes amis il y en a peut-être qui à moins qu’ils ne soient trop ou pas assez? Et parmi tes amis tu as des personnes bien placées? Et tu vis seuls où tu as quelque soutien parmi des tes amis? Et parmi tes amis il y en a qui travaillent? Et parmi tes amis y a des gens de droite et de gauche? Et parmi tes amis tu as des chômeurs? Et parmi tes amis il y a des heureux? Et parmi tes amis y a-t-il des courageux et des bienveillants?
Et parmi tes ennemis il y a des gens puissants? Et parmi tes amis est-ce qu’il y a des ennemis? Et parmi tes amis y a-t-il des traîtres? Des faux-amis? Des doubles ententes et des quiproquos? Des jeux de masques, de spectres et des tiroirs d’ombres? Et parmi tes amis qu’est-ce qu’il reste de l’amitié? Et parmi tes amis c’est joyeux?
Tu scrutes autour pour tenter de répondre aux questions. Tu cherches le sous-entendu qui essaie de te faire trébucher et tu ne le trouves pas – il a l’air d’être lové dans un repli du sous-entendu, vers la fin du trait d’union du sous-entendu ou parfois dans les sourcils qui se lèvent et l’expiration saccadée qui précède « Et parmi tes amis ? »
Et parmi tes amis tu ne trouves que des mots agglomérés, tordus, disjoints, qui dansent, et dansent.
En attendant
En attendant
En attendant on pourra encore nous nourrir nous laver un peu en attendant on nous comprend toujours pas en attendant on continue de nous expliquer que tout ça c’est pour notre bien en attendant on sent que ça va pas bien partout et que même si les supermarchés sont de plus en sécurisés on attend plus longtemps dans les caisses avec ce doute intérieur qui grandit dans la rencontre avec la marchandise anonyme en attendant on nous dit que tout est sécurisé et homologué et que le personnel médical s’occupera bien de vous ce que fait chaque infirmière, médecin et tutti quanti pour vous rendre selon eux une vie meilleure et en attendant vous n’avez plus les mots qui viennent dans la bouche ni dans la gorge en attendant ils continuent de vous parler et ils ont toujours le dernier mot et en attendant on est toujours immobilisé sans pouvoir dire un mot on peut juste battre des cils et à peine contracter l’anus de quoi faire remonter un peu d’énergie en se faisant nourrir et laver en attendant ils prennent des décisions vous voudriez pouvoir dire non mais n’y arrivez même pas ils ne vous entendent pas en attendant on vous invite à aller de plus en plus souvent dans des supermarchés de plus en plus sécurisés rencontrer des marchandises de plus en plus homologuées en attendant l’aphasie n’est pas pire que l’amenez-y en veux tu en voilà – les branches se brisent et les glaciers s’effondrent en attendant tout va mieux en attendant on résiste en attendant ils ont le doute intérieur et en pleine gueule le mot COMME
Progrès
Progrès
Progressez ils disent encore progressez vous arrêtez surtout pas c’est de mieux en mieux encore un petit effort pour devenir républicains et cap au pire du pitalisme sans cape ni épée il suffit juste de changer un peu votre manière de penser et vous verrez bien qu’on progresse que ça s’arrête pas que c’est lancé et vous saurez ce que s’appelle éructer progressez progressez mes petits enfants n’ayez pas peur tout va de mieux en mieux les supermarchés sont de plus en plus sécurisés et l’on n’arrête pas le progrès en marche si ce n’est pour une pause cigarette qui nous déviera de quelques degrés de la route que dis-je l’autoroute du progrès qui draine des milliers d’informations à la seconde que dis-je des millions même des milliards de milliards qu’il nous est impossible de connaître et que nous avons pourtant réussir à créer par nos machines on arrête pas le progrès on achète on vend la prostitution c’est marron on fuit on croit fuir mais le progrès vous rattrape et vous tient la cheville on avance on avance on galope progressez enivrez vous il suffit d’un petit effort pour bien remarquer vous dis-je que les supermarchés sont de plus en plus sécurisés heureusement que vous êtes blancs mais faites comme si vous progressez progressez et les fumeurs fument de moins en moins de fumée sur les écrans de télévision les choses s’améliorent d’heure en heure vous voyez on n’arrête pas le progrès on l’a vu à la télé que les supermarchés sont de plus en plus sécurisés vous n’imaginez même pas les progrès de la technologie à l’heure où je vous dis ça c’est déjà dépassé et encore plus sécurisé par des caméras toutes ratiboisées que tu vois même pas à l’œil nu comme une étiquette minuscule qui te regarde et en plus les fumeurs fument de moins en moins de fumée dans les endroits homologués à cet effet funeste c’est marqué sur les paquets de clope et dans les écrans de télévision ils l’ont répété dans des informations de moins en moins enfumées et de plus en plus sécurisées progressez progressez vous arrêtez surtout pas.
Depuis 1881
Depuis 1881
Depuis 1881, on découvre, on s’allie, ça n’arrête pas, toujours plus proche, toujours plus précis. Le sang coule toujours, on trouve toujours des œufs sous les poules, mais depuis 1881 on avance vers l’ère du Progrès. Bismarck a frappé avec sa canne sur le sol. Depuis 1881 au moins, lois sociales et répression sont ensemble main dans la main et poings liés. Triple-alliance, triplice, triplette – les trois étripés. Vaccin, bacille, serin, on recommencera bientôt. Encore un petit effort pour, ce sera bientôt l’heure de. En attendant construisons des temples industriels, avec gerbes d’étincelles et friches en devenir. On creuse, on dresse, on branche. Construisons, perfusons, relions. Depuis 1881 on espère ça grandit le progrès est en marche enfin pas loin il est en train de nous rattraper – c’est notre ombre – on ferait mieux d’aller vers lui bras ouverts plutôt que de continuer à se plaindre ce qui nous fait perdre notre temps et ne sert à rien si ce n’est à. Depuis 1881 couteaux eka xylasur des chocolats Weiss. Depuis 1881, il y a de l’électricité dans l’air et du gaz aux étages. Depuis 1881 on traverse l’Europe pour chercher du travail et on parle du chômage et parfois de la main d’œuvre aussi. Depuis 1881 on se méfie de la musique trop moderne et de la peinture trop bigarrée – les lustres au plafond sont devenues des valeurs sûres. Depuis 1881, on est de plus en plus sérieux et on parle de la politique internationale et on pleure de moins en moins. Construisons et dépêchons-nous, les larmes s’évaporent mais l’acier chaud n’attend pas… Depuis 1881 on progresse et depuis 1887 on a découvert une nouvelle espèce de céphalopode appartenant au genre ommatostrephe avec un tentacule et un tubercule. Depuis 1881 à 1887 Bismarck fait passer des lois sociales et vide de la Pologne prussienne les deux-tiers des polonais originaires de la Russie et de l’Autriche-Hongrie. Depuis 1881 le progrès n’attend pas et on fait attendre la promesse. Depuis 1881 au moins.
TINA 8 GENDER SURPRISE
les questions de genre, y compris dans la langue (le terme muse, le texte de Louise Debrusse mettant entre parenthèse le e final de ces noms et prénoms, Vannessa Place, à la suite de SCUM Manifesto « le mâle est un accident biologique », l’utopie comme sortie du genre (Elisabeth Lebovici), le revue monstre qui épuise le genre (www.revuemonstre.com), la revue OXO de Pascal Le Coq (http://revueoxo.blogspot.fr/) et bien sûr Judy Bamber, Monique Wittig, www.eminism.org comme travail de renversement et de confusion volontaires
D’un crash informatique
Impressionnant impressionné – en quelques jours : planté un ordinateur fixe, perdu une clé USB, scratché le disque dur du portable…
Quend une bibliothèque est brûlée on fait comment?
On cherche dans les cendres…
l’argent n’existe pas encore
le secret au carré
la racine carrée de la liberté
un jour l’argent n’existera plus
un jour on échangera des produits
contre des désirs
des envies contre des objets
un jour on se rencontrera il pensait
et ce jour là c’est aujourd’hui
Il y aura toujours quelqu’un pour sortir un billet
remplir un chèque
faire péter la carte
il y aura toujours quelqu’un pour laisser un pourboire
pour payer un coup
s’acquitter d’une facture
il y aura toujours quelqu’un pour ça
parce que payer, il se dit
parce que l’argent n’existe pas
parce qu’il n’avait plus un rond
et qu’il allait falloir continuer autrement
l’argent n’existe pas
tu achètes les navets au rabais
l’argent n’existe pas
les langoustes en vrac
l’argent n’existe pas
tu prends la caméra à prix choc
l’argent n’existe pas
le p-cul à double épaisseur en solde
l’argent n’existe pas
le porno en pack
l’argent n’existe pas
le pantalon 1er prix
l’argent n’existe pas
tu fais le plein de sans plomb
tu tapes un code sur un clavier
l’argent n’existe pas
tu encaisses un chèque sans signature
l’argent n’existe pas
tu signes des prêts à intérêt
l’argent n’existe pas
tu dis merde à l’huissier
l’argent n’existe pas
on te fout dehors
l’argent n’existe pas
il agit
l’argent est une fiction
trafic fabrique
le trafiquant trafique
le fabricant fabrique
le trafiquant fabrique un trafic
il trafique des lettres
et si ça tourne mal
des apostrophes
le fabriquant fabrique des strophes
et pour des preuves
fait apposer l’apostille
un fabricant fabrique avec un C
un trafiquant trafique avec un Q
mais le cul s’écrit avec un C
dans la rue
Fleurs vinaigre
pâte molle de la peau
six rots sinon rien
érable collé de plumes
brindilles vertes / mortes
feux rouges/bleus
des coups de derrière
mon dieu c’est plein d’étoiles
vertes
salez-sucrez
ça n’est pas comme un train mais ça se met aussi à la queue leu-leu,
des tasses chapardées
– ici une une échauffourée blanche dans une rue sombre
l’argent n’existe toujours pas
comment ça passe du tube cathodique
au cerveau catholique
du cerveau ratiocinant au tube digestif
jusqu’à l’anus
comment ça remonte le tube
étage après étage
palier par palier
comment ça frétille sous la langue effervescente
ça sort d’un coup
par réflexe uniquement par réflexe
ça répond aux autres à table
ça coupe l’autre en force avec le ton la pause et tout et tout
par réflexe uniquement par réflexe
ça compte dans le crâne
l’argent qui n’existe pas
l’argent qui agit
ce spectre spectaculaire
agitant
l’oculaire intérieur
…l’argent n’est pas masculin
n’est pas féminin
il est le général
celui qui tient par le crédo
malgré les tempêtes
les tropiques
les trous
les trouvailles alternatives
les courants alternés
les allitérations des tropes
les altérations des troupes
celui qui creuse en faisant pourrir l’extérieur avant l’intérieur
celui qui met à l’épreuve ce qu’il y a autour
pour éviter le tour de face-face
….ce qui s’échange dans le commerce des genres
PAS une photo d’identité réglementaire
35 mm de large sur 45 mm de haut. Taille du visage de 32 à 36 mm, du bas du menton au sommet du crâne (hors chevelure). Photo correctement contrastée, sans ombre. Fond uni, de couleur claire (bleu clair, gris clair). Le blanc, interdit. La tête nue, les couvre-chefs interdits. Fixer l’objectif. Expression neutre bouche fermée. Visage dégagé. Yeux ouverts. Les montures épaisses interdites. Verres teintés interdits.
PAS une projection – une éclaboussure jetée sur le devant de l’autre
on dresse un écran sans crier
on envoie le film sans crisser je te soumets ou tu m’as sauvé
SAUVETAGE D’UNE SOUMISE ou SOUMMISSON D’UNE SAUVEE
avec des bouches des bugs
des bourgeons en volutes
des volontés bourgeoises
des baisers voluptueux
des vérités bancales
la répétition signe toujours une fois de plus la pétition
par principe elle contient un avenir
par posture elle promet la mort
fixe ou portable
quand on est déjà dé-porté
pourquoi ne pas habiter le camion de déménagement ?
on nous interdit d’élire domicile
dans les eaux internationales
on nous code un code postal
et une administration nationale
avancer sans cligner des cils
pour éprouver ce qui se passe
avec ses périphéries
on en rit mais on tient rarement longtemps
…l’équation de Picabia
l’art + les gens = les gens |
l’équation de Pique-assiette
leurre + beurre = argent du beurre |
l’équation du Directeur
l’argent facile, l’argent pour les nuls |
l’argent n’existe pas
ça manque, ça tient plus dans la poche
ça n’existe pas l’argent de poche
// l’eau dans la cage
// la sauce dans la passoire
ce qui existe c’est la poche de l’argent, son ourlet
il y a l’argent poché
comme on dit un œuf poché
ça bulle tant qu’on croit qu’on va pouvoir bouffer
ça n’a que de l’air dedans
qui fait du coup de vent sous la dent
juste une membrane qui n’empêche pas qu’on sente
le dent contre dent
ça protège pas de l’hiver ou de la pluie
ni les grelots ni le grêlons
juste un membre-âne
on vit avec des membranes foisonnantes
de pauv’types
sur le dos en espérant une grosse doudoune
// un épais cuir
va te faire cuire un œuf, endure, ordure !
Tu tiens. Parce qu’il faut.
Parce que pas le choix tu crois.
Parce que pire ailleurs.
Parce que c’est comme ça – ils se répètent à la longue – bordel
Parce que les proverbes ont la peau dure, les cuirs tanés
la force des clichés imprimés développés dans la chambre obscure du cortex
annone sans honte ni remord