Edith Azam – le mot il est sorti

Azam le mot il est sorti

Un texte qui nous dit les contorsions du ça, la question d’un vocabulaire qui manque, la prise en tenaille de la voix dans la camisole métallique du langage, une carcasse-carapace qui n’est cependant pas carcérale, un tour d’écrou non refermé, mais ouvert sur l’adresse à l’autre, un tu-vous qui se cherche, se creuse, se débat, s’ouvre, une gorge qui se contorsionne. L’évitement du frontal.

Un corps de mots, une reptation de langue… Lisez!

retour à une société

Citation

Se faire de nouvelles promesses.

 

Une société, une cité, une civilisation qui renonce à sa part d’imprévu, à sa marge, à ses atermoiements, à ses hésitations, à sa désinvolture, qui ne renonce jamais, ne serait-ce qu’un instant, à produire sans réfléchir, une société qui ne sourit plus, ne serait-ce qu’à peine, malgré le malheur et le désarroi, de ses propres inquiétudes et de ses solitudes, cette société-là est une société qui se contente d’elle-même, qui se livre toute entière à la contemplation morbide et orgueilleuse de sa propre image, à la contemplation immobile de sa mensongère propre image.

 

(Lagarce, Du luxe et de l’impuissance)

Le funambule, Jean Genet

 

Lu dans les airs

l’amour pour le fil et non le sol

le travail de dépaysement entre la misère et la lumière

le risque vital, la solitude absolue

Ce n’était pas une putain que nous venions voir au Cirque, mais un amant solitaire à la poursuite de son image qui se sauve et s’évanouit sur un fil de fer.

travailler à devenir célèbre pour faire mal :

le public est la bête que finalement tu viens poignarder

 

Tzara – L’homme approximatif

Citation

serrons entre les mâchoires les minutes qui nous séparent

je me vide devant vous poche retournée

 

chrysalide d’hirondelle

 

sur le seuil du rêve sous chaque feuille il y a un pendu

de tes rêves aux miens la parole est brève

 

silence boréal silence à l’oeil ouvert comme une bouche

et des dents de neige à la place des cils

 

même sous l’écorce des bouleaux la vie se perd en hypothèses sanglantes

 

ô puissances que je n’ai entrevues qu’à de rares éclaircies

 

Gombrowicz – Ferdydurke

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Ce mardi-là, je m’éveillai au moment sans âme et sans grâce où la nuit s’achève tandis que l’aube n’ pas encore pu naître.

…un élément de structure, un tournant, un passage spécial ou, pour parler avec plus d’exactitude, une « coda », c’est une trille, ou plutôt un repli, un boyau, un boyau dans lequel je ne pourrais jamais passer au mollet gauche

…l’être humain ne s’exprime pas d’une façon directe et conforme à sa nature, il passe toujours à travers une forme définie.

… un Sage constamment abêti, un Subtil sans cesse brutalisé et un Adulte en perpétuel rajeunissement.

Notre élément, c’est l’éternelle immaturité.

… nous dirons avec humilité: « Quelque chose en moi a parlé, agi, pensé.

Apparaître mais sous quel prétexte? Comment m’expliquer?

Le poème/ Ma traduction Mollets, mollets, mollets, mollets

…des formules, des grimaces, des mines et des gueules : oui, voilà la source, l’origine, le point de départ et c’est de là que découlent harmonieusement toutes les autres souffrances, folies et afflictions.

– Zielinski, Zielinski! Dites à Nowak de réparer cerre gouttière!

Et maintenant, gueules, venez! Non, je ne vous quitte pas, visages inconnus et étrangers des étrangers inconnus qui vont me lire, je vous attends au contraire, je vous salue, parties du corps rassemblées en agréables guirlandes, c’est seulement maintenant que tout commence: arrivez, venez à moi, commencez votre malaxage, fabriquez moi une gueule nouvelle pour que je doive à nouveau vous fuir en d’autres hommes et courir, courir dans toute l’humanité. Car il n’y a d’autre refuge contre la gueule que dans une autre gueule, et l’on ne peut se protéger de l’homme que par l’entremise d’un autre homme. Mais contre le cucul, il n’y a pas de refuge. Courez après moi si vous voulez. Je m’enfuis la gueule entre les mains.

 

Blanchot – L’espace littéraire

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la solitude… recueillement

le Journal, un Mémorial.

Écrire , c’est entrer dans l’affirmation de la solitude où menace la fascination.

Écrire commence avec le regard d’Orphée, et ce regard est le mouvement du désir qui brise le destin et le souci du chant et, dans cette décision inspirée et insouciante, atteint l’origine, consacre le chant.

Pour écrire, il faut déjà écrire.

Blanchot – Le livre à venir

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le chant des Sirènes: un chant inhumain… plus étrange était l’enchantement… Par un désespoir très proche du ravissement.

Le récit commence où le roman ne va pas.

Tout récit, ne fût-ce que par discrétion, cherche à se dissimuler dans l’épaisseur romanesque.

…le temps même du récit, le temps qui n’est pas hors du temps, mais qui s’éprouve comme dehors, sous la forme d’en espace, cet espace imaginaire où l’art trouve ses ressources.

La littérature n’est pas une simple tromperie, elle est le dangereux pouvoir d’aller vers ce qui est, par l’infinie multiplicité de l’imaginaire.

La littérature va vers elle-même, vers son essence qui est la disparition.