Avec Orlan : Ceci est mon corps… ceci est mon logiciel

Le texte réécrit d’une conférence de 2009 qui s’interroge sur les transformations du corps. Et sur son passage du travestissement au transformisme, de l’icône religieuse au transmutant, à travers des figures apotropaïques d’empêchement, ORLAN accouche d’elle-m’aime ou le Manifeste de l’Art Charnel qui travaille l’autoportrait technologique entre défiguration et refiguration, un ready-made modifié ou encore l’hybridation de photos.

Cette toute la question de transformation du corps via les biotechnologies et, au-delà, de sa possible mutation.

Il serait intéressant d’en questionner les rapports avec le Manifeste mutantiste paru l’an dernier.

 

Le nouveau à l’épreuve du marché (à partir du livre de Maria Bonnafous-Boucher, Raphaël Cuir et Marc Partouche)

Une réflexion sur les liens entre créateur et entrepreneur, puisque les entrepreneurs s’emparent de l’art pour le faire fructifier et que des artistes s’emparent de l’entreprise comme modèle ou contre-modèle.

Une fois évacuée la question de l’utilité (avec Duchamp, Brancusi, Bertrand Lavier), les auteurs proposent une typologie entre l’artiste utilitariste (par ex Jeff Koons), l’artiste d’affaires ou l’artsite critique (les Lettres de non-motivation de Julien Prévieux). Ce qui intéressant et rare chez Prévieux, ce sont les réponses à ses lettres qui entame un faux dialogue marqué par la différence de tons.

La question de l’utilité reste d’actualité au travers d’oeuvres dont la visée est pragmatique. Dans Nos dispositifs poétiques, Christophe Hanna montre la possibilité d’apporter des connaissances techniques par la notion de dispositif. Cette question du savoir n’est pas toujours la plus visible, elle est prégnante dans Testimony de Reznikoff.

Puissance des descriptions de Claude Simon

 

La force des comme si et des participes présent au service d’une ouverture poétique du récit (voir Histoire, pp10-11). La possibilité de donner de l’effet au comme si par sa multiplication, son ampleur, ou le passage de l’ « objectif » au « subjectif » (on comprend la personnalité du personnage selon l’audace de l’image qu’il emploie).

Autre procédé : une sensation déclenche une image et avance avec de nombreuses incises et refus (pas…, pas…, non pas…, mais…) avec parenthèses et points-virgules (L’accacia pp98-99)

lecture – Julien Blaine, Mes âneries dans le Berry

Une des impulsions serait bestiaire d’Apollinaire illustré par Raoul Duffy

Une poésie travaillant encore la question sémiologique, où le signe se cherche une autre forme, ne pouvant se satisfaire de la lettre seule.

Des rencontres avec les ânes comme figues, les chardons.

Un fabuleux texte « Ânes Grands Noirs du Berry, mes frères, tendez bien vos oreilles et répondez-moi! »où sont interpellés des figures animales questionnant l’élocution, des puissantes interpellations.

Je connaissais le « Portrait de l’auteur en âne en hommage à Giordano Bruno » masqué, au delà du pied de nez à Platon (les idées en haut, « non » sur l’index pour l’âne prophète.

Ce questionnement du rapport au signe d’avant l’écriture, au préhistorique, à l’animalité, éminemment inactuel et ainsi contemporain dans le sens de Giorgio Agamben (Qu’est-ce que le contemporain ?)

 

souvenir – François Villon – Poésies

 

 

Une histoire de capture et d’affranchissement, de labyrinthe et d’issue de secours, de squelette et de libération.

 

Me vint un vouloir de briser

La très amoureuse prison

Qui souloit mon cœur débriser

(Le lai)

 

Et puis Le Testament. On comprend qu’il soit devenu objet de réécriture actuellement, avec ses formes répétitives (Combien…, Item…, Tant Que…, Je connois…) Puissance des images de mort, de chutes, de crânes…

Et ce quatrain pour finir :

 

Je suis François, dont il me poise,

Né de Paris emprès Pontoise

et de la corde d’une toise

Saura mon col que mon cul poise.

lecture – Liliane Giraudon, L’Omelette rouge

 

Bien sûr il y a les noms propres et les figures qui nous hantent…Et le bruissement du monde, les paroles du dehors.

Ce qui me touche surtout, ce sont les ponts, ces formes de métalepses non narratives, entre le monde et la langue : son futur intérieur, la petite avoue : les guillemets on les a mangés, le nom dont je parle n’est pas celui qu’ils donnent / le mien c’est du pare-adjectif. Ou comment le travail de la langue labourait le monde et réciproquement. Avec cette phrase : sans syntaxe pas de destin / mais pas non plus de catégories. La syntaxe, littéralement ce qui fait ordre ensemble; en grec moderne :la retraite. En tirant ce questionnement, cela peut se comprendre comme la mise en ordre d’un chaos à partir d’un point de vue en retrait.

 

Danser sa vie

 

Une très belle exposition qui malheureusement patrimonialise l’histoire de la danse à travers de grandes figures – Loïe Fuller, Joséphine Baker, Martha Graham, Cunningham…laisse de côté le butôh, ce qui le rafraichit.

La partie « performance » est limitée : Yves Klein, Yan Fabre, Pollock…

Un livre du même nom recoupe les Ecrits sur la danse regroupe différentes approches, celles de Mallarmé, « poème dégagé de tout appareil de scribe », l’esprit oiseau selon Nietzsche

Et que l’on estime perdue toute journée

où l’on n’aura pas au moins une fois dansé

(Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra)

Métaphore de la pensée commentée par Badiou

la notion de métachorie (au-delà du choeur) de Valentine de Saint-Pont, la danse futuriste décrite par Marinetti (de l’Aviateur, du Schrapnell, de la Mitrailleuse). les Cahiers de Nijinski, l’idée de ballet mécanique retravaillée chez Oskar Schlemmer, la Danse comme forme du Temps selon Valéry, Laban et la nature fluide de l’espace , la notion d’énergie chez Mary Wigman en plus de celles d’espace et de temps et surtout son affaire d’apprivoiser la sorcière intérieure croisée un soir dans un miroir, la metakinesis de John Martin (dimension psychique de la danse), le dévouement constant et spontané au temps chez Merce Cunningham…

Les commentaires d’Agamben sur les rapports puissance/ acte et de Badiou sur Mallarmé et les principes de la danse (obligation de l’espace / anonymat du corps / omniprésence effacée des sexes / soustraction à soi-même / nudité / regard absolu ; par opposition au théâtre venant de la politique et du désir)

A quand la traduction des textes d’Hidjikata ? Leur absence nous permet de rêver.

 

lecture – Mustapha Benfodil, Archéologie du chaos [amoureux]

Il y a quelque chose de déconcertant dans ce texte. Un apparent classicisme de certains passages (passé simple,clichés sexuels..) farcis d’un nihilisme profond, d’une jouissance blasphématoire, d’une impossible morale passant par le viol, de révolte esthétique et politique armés de slogans libérateurs et jubilatoires (Gloire aux rêveuritionnaires, Nietzsche ta mère humanité ! )– un refus des pseudo-acquis patrimoniaux politiques. Les notes de l’inspecteur Kamel qui enquêtait sur la mort suspecte de l’auteur imposent la métalepse comme figure majeure de mise en tension des identités d’auteur, de narrateur et de personnage. Enfin, le Manifeste du Chloupisme nous fait entrer sur les urgences politiques de l’Algérie contemporaine.

Éclairage par l’article Art, action et esthétique de la révolte (revue lignes n°36) qui explique comment pièce Maportaliche/ Cela n’a pas d’importance pour moi fut retirée de la Biennale d’art contemporain à Sharjah aux Émirats Arabes Unis en mai 2011 pour des motifs religieux. D’où sa critique de l’Art/tificiel, une forme d’art quasi-officiel qui met en sourdine les questions politiques brûlantes pour servir les riches institutions culturelles du Golfe (Louvre Abou Dhabi, Guggenheim Abou Dhabi, festival de cinéma de Dubaï…)en quête de légitimité culturelle tout en maintenant un conformisme politique.

lecture : Louise Desbrusses, L’argent, l’urgence

Il y a ce leitmotiv sonore « l’argent, l’urgence », il y a le rythme des questions et des parenthèses qui jouent le jeu d’accélérateur et de convocation de l’urgence et démontrent l’impossible pause narrative et l’impossibilité de différer. Il y a ces personnages allégoriques : l’Homme-à-élever, l’Eclat noir, il y la puissance oppressante des pléonasmes (la perforatrice perfore, le commencement commence…) et la faillite de l’Amour pour Un. Une machine à détruire la stabilité, les territoires conquis : le syntagme l’argent – l’urgence.

le rebut humain (à partir de la revue lignes n°35)

La société mondialisée comme machine à produire du rebut (Zygmunt Bauman): les vaincus, les Troyens.

En gardant les distinctions entre des mesures de discrimination et d’exclusion à l’extermination.

Penser le global à partir de la périphérie, des êtres rejetés, abjecti (Guillaume d’Auvergne), les degiets, déchets, les inhumains.

Les lépreux et leur imaginaire n’existent pas seulement au sens clinique, mais comme figures de répulsion, où sont convoqués les Juifs, les prostituées, les mendiants, les sorcières, les fous, les prisonniers … et aujourd’hui, les pédophiles, les islamistes et terroristes.

Les colonisés ont ainsi été envisagés à partir d’un manque (religion, lois, obligations…).

 

lecture – Revue lignes 34 et 35 l’exemple des roms – les roms, pour l’exemple

Ces deux numéros questionnent l’ethnicisation des discours et pratiques étatiques, appuyés depuis le Discours de Grenoble du 30 juillet 2010 – la substantivation en chose « Qu’est-ce qu’on en fait ? » – et la concrétisation d’Hortefeux « démanteler dans les trois prochains mois 300 campements illégaux dont 200 de Roms ». Ce dont relatif mériterait d’être davantage commenté comme manière de dessiner les territoires mêlant droit et ethnie, zone de l’illicite dans laquelle on réserve spécialement une place pour une ethnie.

On peut être fasciné pour la diversité des noms désignant : Gitans, Tsiganes, Romanichels, Roms, Sintis, yeniches, Manouches…

Le mot rom signifierait homme par opposition à romni (épouse) ou Gadjé (les autres), migrants supposément venus de l’Inde, de la caste des Domba.

On y lit chez Jean-Luc Nancy une relecture de la lettre de Flaubert commentant la haine du Bourgeois pour les Bohémiens, et du Bohémien de Kafka : la figure de Jamais-Plus, le Romanichel, par opposition à Retiens-le,Saisis-le ratiers ordinaires.

On réfléchit le procédé de triangulation du pouvoir, avec ses étapes ,arratives :ouverture/discours de Dakar, responsables « dela diversité »/statistiques ethniques, identité nationale, etc.

Dans Une passion d’en haut, Jacques Rancière critique le présupposé du racisme comme passion populaire, depuis les lois Pasqua de 1993 qui donne lieu à un « racisme froid » d’Etat : le contrôle de la circulation des personnes (faute de contrôler celui des capitaux). Ainsi se constituent de nouvelles figures d’immigrés et de clandestins selon les lois qui permettent de donner figure au dangereux et de réaménager constamment la frontière dedans/dehors.

Etienne Balibar utilise la notion d’apartheid européen comme système d’exclusion sociale.

Des stratégies sont proposées : le devenir-rom du Nous sommes tous des Roms ! Du 4 septembre 2010, la notion d’hospitalité selon Derrida comme l’espace d’un accueil sans réserve et sans calcul, ce qui aurait été esquissé par les Enfants de Don Quichotte en décembre 2006 par opposition aux politiques répressives comme la destruction du Hanul, plus vieux d’IDF, de 10 ans, le 6 juillet 2010 envisagé comme art de la guerre non déclarée.